lunes, 30 de mayo de 2011

"A una transeúnte", de Charles Baudelaire



La calle atronadora aullaba en torno mío.
Alta, esbelta, enlutada, con un dolor de reina,
Una dama pasó, que con gesto fastuoso
Recogía, oscilantes, las vueltas de sus velos;

Agilísima y noble, con dos piernas marmóreas.
De súbito bebí, con crispación de loco,
En su mirada lívida, centro de mil tomados,
El placer que aniquila, la miel paralizante.

Un relámpago. Noche. Fugitiva belleza
Cuya mirada me hizo, de un golpe, renacer.
¿Salvo en la eternidad, no he de verte jamás?

¡En todo caso lejos, ya tarde, tal vez nunca!
Que no sé a dónde huiste, ni sospechas mi ruta,
¡Tú, a quien hubiese amado. Oh tú, que lo supiste!

(Incluido en Las flores del mal, 1857)


A une passante


La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

Une femme passa, d'une main fastueuse

Soulevant, balançant le feston et l'ourlet;


Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,

Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,

La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.


Un éclair... puis la nuit! - Fugitive beauté

Dont le regard m'a fait soudainement renaître.

Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?


Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être!

Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,

Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!

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